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Quelle prévention ?

Quand j’ai commencé à m’intéresser à ce domaine il y a presque 20 ans, c’est un peu par inadvertance. Je venais de finir mes études et je m’envolais pour le Québec pour une année de perfectionnement dans un centre de thérapie pour abuseurs et victimes d’abus sexuels.

Du haut de mes 24 ans, mes premières consultations ont donc été d’accompagner des familles confrontées à l’inceste. Autant dire que cela suscitait beaucoup de réactions ! Comment peut-on faire ou subir cela ? Comment s’en remettre ?

Mon superviseur de l’époque, que j’adore, me répétait : « la personne est plus que son problème ». Sous entendu, il y a toujours des ressources pour rebondir, ou quoi qu’il se passe dans la vie d’une personne, elle ne se résume pas à ce qu’elle vit présentement ou a vécu.

J’y ai appris aussi la différence entre se responsabiliser et se culpabiliser. Car lorsqu’une personne qui abuse peut se regarder dans une glace, reconnaître ce qui a été fait et se responsabiliser, cela aide beaucoup plus les enfants qu’une personne qui nie pour sauvegarder une apparence ou qui se vautre dans une culpabilité mielleuse.

J’y ai appris également que quoi que l’on vive, d’autres choix et possibilités existent. J’ai découvert la résilience. Ce qui fait qu’une personne va continuer à vivre, à vivre bien, malgré tout ce qu’elle a vécu. Cette énergie, compétence, ressource qui permet de s’accrocher à ce qui aide à grandir, à ce qui va dans le sens de la vie.

Les abus sexuels sont des traumatismes, des évènements qui mettent à mal la sécurité intérieure, la vie parfois, le corps et la confiance que la personne peut avoir envers ses proches et le monde.

Les abus sexuels ont ceci de particuliers qu’ils sont des traumatismes qui se déroulent en majorité au sein des familles et produit par les personnes « digne de confiance ».

Quand un enfant s’attend à recevoir de l’affection de son parent et qu’il reçoit de la sexualité, c’est son monde qui se tord, c’est ce que Ferenzi appelait la confusion des langues. L’enfant est projeté dans un monde qui n’est pas le sien.

Il construit alors une image de lui et de l’autre où l’intrusion physique et psychique est possible. Ce qui n’était pas imaginable auparavant le devient.  » Si j’ai reçu de l’intrusion, si mon monde a été fracassé par un parent, comment puis-je alors faire confiance ? Comment puis-je me faire confiance « ? se demande souvent le jeune

Car l’enfant qui reçoit des abus va rarement remettre en question la personne qui abuse de lui, il va plus souvent se donner tord, croire que c’est de sa faute, ‘puisque l’abuseur l’a choisi (se dit-il), ‘puisqu’il n’a rien dit la première fois’, et puisque parfois l’enfant n’a pas vécu ces abus sur le mode de la terreur.

Faut-il pour autant apprendre à l’enfant à n’avoir confiance en personne ? Faut-il que les pères, les mères, les cousins, cousines, oncles, tantes, frères, soeurs s’éloignent et se méfient ?

Non, mais lui apprendre les frontières et les territoires, le sien et celui des autres (ses proches aussi), à exprimer quand il est mal à l’aise avec quelqu’un ou quelque chose,  lui apprendre aussi à aimer son corps, à écouter cette conscience là.

Connaître son corps, être à l’aise de nommer ces zones intimes au lieu de les appeler par des termes vagues qui camouflent surtout la gêne des adultes.

N’est-ce pas paradoxal d’obliger un enfant à donner un bisou à un inconnu, de lui faire des remarques s’il n’obtempère pas ? ou en tant qu’adulte d’embrasser son enfant sur la bouche, comme on embrasserait un partenaire amoureux ? Et en même temps de tenter de lui apprendre que son corps est son corps, qu’il a le droit de dire non ou que les adultes et les enfants ce n’est pas la même chose ?

La confusion des langues est partout présente dans notre société, à des degrés divers, et en particulier dans l’éducation des enfants.

La confusion est là quand les frontières n’existent plus ou sont trop floues, quand les territoires de chacun ne sont plus différenciés.

Certains enfants apprennent à remplir les besoins des adultes, à endosser leur mal-être, à oublier leur propre envie, besoin, monde. Apprend-t-on à nos enfants à ne pas prendre en charge la souffrance de leur parents ? A être heureux même si leur entourage ne l’est pas ?

De la même manière, qu’en est-il des enfants que les parents mettent sur un piédestal où l’enfant se retrouve roi, reine, prince, princesse face à des parents au service absolu de leurs enfants ? Quels modèles ont-ils ces enfants, si ce n’est des adultes qui ont appris à s’oublier, à se sacrifier pour quelqu’un d’autre ?

De mon point de vue, la meilleure prévention contre la confusion c’est d’abord réapprendre le respect de soi, c’est devenir intime avec soi-même, c’est s’autoriser à explorer sa propre planète, que l’on soit enfant ou parent. Et c’est aussi s’autoriser et autoriser les enfants à ne pas être d’accord et à savoir que l’autorité n’a pas toujours raison.

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