Histoire d’un ligament, partie 1 : la déconfiture

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woman in gray hoodie and blue denim jeans sitting on brown wooden bench

 » Mais c’est quoi un ligament et pourquoi ce titre » me direz-vous. Avant juin 2022 je connaissais vaguement cette appellation « ligament croisé du genou », mais aucune idée de ce à quoi il servait, ni très intéressée par ce petit élastique dans le genou qui permet de bouger comme on le souhaite.

Et oui avant tout fonctionnait bien…

Je faisais de la planche à voile, je courrais (de temps en temps), je n’étais pas ce qu’on appelle une « grande sportive », mais j’aimais bouger. La vitesse, la glisse, c’était ce qui me faisait vibrer ; et je croyais que mon corps était infaillible.

Comment est-ce possible ? Et bien c’est simple, je n’ai jamais rien eu de cassé, jamais été opérée, hormis des dents. J’étais d’ailleurs assez fière de ce corps, en qui j’avais toute confiance.

Et pourtant, un jour, fin mai 2022, trop de vent, pas d’écoute de mon ressenti, et hop bardaff, la chute ; et la découverte que quand ce petit ligament pète, ton genou ne tient plus. Depuis ce jour, par contre, je la connais bien cette partie du corps et je mesure à quel point ce que l’on considère souvent comme des détails de notre anatomie ont une fonction essentielle.

Pour faire court, pendant deux mois, j’ai du remuscler ma jambe, apprendre à marcher sans ligament, doucement. Puis début aout 2022, j’ai choisi l’opération. Cela consiste à ouvrir le genou, aller chercher un tendon dans la cuisse, et le remettre à la place du ligament perdu.

Dans ma tête de linotte, je me disais « c’est très bien, un petit moment difficile à passer, l’opération puis une petite rééducation et hopla, on redémarre avec un genou plus solide », c’est la fille qui se définit comme « rapide, aimant la vitesse, et en plus impatiente » qui parle (j’en ris -jaune- encore)

Le jour J arrive : je me pointe à l’hopital comme une princesse à l’hôtel, prête à rentrer chez moi trois jours plus tard. Je n’ai fait ni course, ni rien de particulier. J’avais même prévu de remettre des consultations la semaine d’après, me disant « je surélèverai ma jambe et tout sera nickel », j’en ris encore (jaune à nouveau).

J’ai annulé toutes mes consultations et je suis en arrêt de travail !

J’ai béni la pompe à morphine de l’hopital et les antidouleurs, moi l’anti-médicamenteuse !,

J’ai ragé contre ce genou, le temps, les gens qui ne se rendaient pas compte ! Je me suis laissée aller à la victimite aigue, en culpabilisant un peu (« m’enfin ce n’est pas si grave, j’ai toujours une jambe, tout va bien ») pleuré de désespoir, comme quand tu es enfant et que tu sanglotes très bruyamment ! Je faisais cela chez moi en écoutant de la musique très déprimante ! Et ça m’a fait du bien. Moi, celle qui tourne tout en positif avec une forte tendance à spiritualiser tout ce qui arrive dans la vie (je me rends compte comme cela a du être pénible ce laïus) !

Franchement les premières semaines, j’étais digne d’une bonne comédie dramatique : le mascara qui coule (oh non même pas, pas le courage de se maquiller, plutôt le visage tout fatigué), les muscles en gélatine. C’est étonnant comme ça prend du temps pour muscler les jambes et même pas deux semaines pour que cela se transforme en mou ! J’étais en pyjama toute la journée, dormir sans dormir, tourner comme un lion en cage et ne rien savoir faire ; et j’allais oublier l’activité principale de la journée : prendre une douche (en levant la jambe, sans glisser, toute une affaire), suivi de tout ce qui habituellement va vite sans qu’on ait besoin d’y penser, et qui dans ce moment là devient un challenge à relever. Par exemple : prendre une bouteille d’eau quand tu as deux béquilles ; monter dans ton lit avec un sac à dos et tout ce dont tu as besoin ; penser à chaque déplacement à tout ce que tu peux prendre en même temps pour limiter les mouvements ; demander à tes amis, à tes parents, à ta fille, à des inconnus s’ils peuvent t’apporter ou te porter ceci ou cela (moi qui me définissais comme indépendante ! )

J’ai même appelé ma mère pour aller chez elle quelques jours ; elle m’a installée dans un transat à l’ombre d’un cerisier, les doigts de pieds en éventail, et m’a cuisiné un tas de bons petits plats. Puis mon père est venu aussi me chercher. C’était marrant de redevenir un enfant en garde alternée :) Sauf que j’en ai 46, une ado de 18 et le genou en vrac. Mais j’ai reçu et cela m’a fait du bien de dire « maman j’ai mal, maman j’en ai marre ».

Et me voilà, un mois après à commencer un blog sur ce que cela amène dans ma vie : chamboulement, émotions, prises de conscience, etc…

Pourquoi ? Qui est-ce que cela intéresse ? Peut-être les gens qui vivent aussi un changement dans leur corps suite à un accident, une chute, une maladie, etc… le corps est en arrêt, il ne suit plus comme d’habitude, et un autre fonctionnement s’impose. Et peut-être plus largement toute personne qui perd ses repères et fait face à une épreuve imprévue.

Cela concerne toute personne qui vit un grand changement, un burn out, une perte, qui doit faire le deuil de quelque chose qui allait de soi AVANT.

Je me rends compte que mon corps et ce que j’y vis est une vrai métaphore de ma vie, de nos vies. Cela parle de notre manière de fonctionner dans le monde, de la manière dont nous nous définissons et de faire face aux changements.

Histoire d’un ligament, c’est d’abord un journal de bord pour moi, donc sans filtre, mais aussi parce que je suis convaincue que cette expérience, que je vais partager en direct va être aussi éventuellement utile à d’autres. Ou pas, tant pis :)

La suite au prochain chapitre :)

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